Rituel du salut à la mer : Balade avec Marie-Michèle Lucas
Marie-Michèle Lucas convie le public à la suivre lors d’une balade artistique sur la plage de Korn ar Gazel à marée basse, afin de réaliser l’un des rites qu’elle a imaginé pour l’exposition « Escale #3—Aber Benoît » à Saint-Pabu.
Voici son compte-rendu de cette expérience inédite :
« Vers 13H30, 13H45 ce 4 août 2023, beaucoup de monde à l’entrée de la Maison des Abers, plusieurs visites étant programmées ce jour.
Nous étions cinq décidés à aller découvrir le fond de la mer.
C’est une période de grande marée. Son coefficient aujourd’hui est 104, la plus forte amplitude de marée sur cette période. Tant mieux nous pourrons peut-être aller loin au fond de la mer.
Avant de partir, présentation de l’opération artistique De la Nature – Escale #3, organisée par l’association Espace d’apparence et la Maison des Abers pendant l’été.
Premier arrêt sur le point de vue de Kervigorn. Nous observons le trajet à parcourir, le retrait de la mer : pour le moment elle déferle encore entre Corn Ar Gazel et l’île Garo, on distingue le chenal avec le trajet des bateaux qui sortent ou rentrent dans l’Aber.
Nous nous préparons mentalement à marcher au fond de la mer, nous évoquons ensemble les poèmes de l’amour courtois, le livre de Hervé Hamon Besoin de mer (marcher au fond de la mer) et aussi ce grand livre poétique Océan-mer qui se pose la question vertigineuse « où finit la mer ? » et plus concrètement, nous lisons quelques lignes écrites par Gérard Auffret sur l’histoire des limites terre-mer dans la législation et dans nos imaginaires.
Nous sommes cinq, nous avons des bâtons pour écrire sur le sable, nous y allons.
Nous sentons au fur et à mesure de nos pas que le banc de sable se découvre, la mer est moins vive dans ses élans d’effleurement du sable, nous avançons jusqu’à la limite de la mer, jusqu’à la pointe du banc de sable qui peu à peu se précise. La mer est étale.
Chacune s’installe dans son écriture, la première à se lancer ne veut pas qu’on lise ce qui est écrit, c’est un salut personnel à la mer, par la suite nous respecterons entre nous ces écrits secrets.
Temps étonnant de vers vers la mer, entre les mers, entre les eaux de l’Aber et celles de la mer d’Iroise.
Je fais une photo avec la position extrême donnée par mon GPS.
Puis la mer reprend son mouvement, peu à peu l’étendue de sable se recouvre, nous prenons la marche retour… silencieusement en regardant régulièrement l’évolution de la mer et la disparition de la langue de sable nommée An Drezen.
Retour à la Maison des Abers avec la tête pleine de la poésie laissée à la mer. »